Irène Heurtebise
Place de la Madeleine, une fenêtre sur Poillé
Irène Émilienne Fernande Tribondeau est née le 8 juillet 1909 à La Roche-Mabile dans l’Orne. Ses parents, Émile et Fernande Tribondeau quittent l’Orne pour Poillé-sur-Vègre, où ils reprennent la boulangerie des parents de Fernande, rue de la Madeleine.
En 1926 à l’âge de 17 ans, Irène se marie avec Maurice Heurtebise (1898 – 1988), marchand de bestiaux. Ils ont quatre enfants : Rolande née en 1927, Jacqueline née en 1934, Pierre en 1937 et Danièle en 1944. La famille Heurtebise habite la maison en face de la boulangerie, au 10 rue de la Madeleine, autrefois appelée « Place de la Madeleine ».
Entre 1946 et 1960, à travers la caméra d’Irène la place s’anime au fil des saisons. Mais Irène ne filme pas que les « grands » évènements du village. Dans la rue, elle saisit spontanément les petits instants. Des moments joyeux mais ordinaires que les cinéastes amateurs ne sont pas si nombreux à filmer. La caméra d’Irène suit le mouvement et se braque vers ses sujets comme on tourne la tête. Les plans sont rarement fixes et ne s’attardent guère longtemps. Mais ils transmettent sans mal la complicité avec les acteurs de son quotidien et le plaisir partagé de jouer à filmer et être filmé. Sa caméra, elle la prête d’ailleurs volontiers et apparaît dans de nombreuses séquences.
Ainsi, rue et place de la Madeleine à Poillé-sur-Vègre, les enfants grandissent en jouant, les jeunes marchent en bande, les anciens s’arrêtent sur un banc pour papoter, l’Abbé passe en moto, les automobilistes viennent faire le plein devant l’épicerie, les cortèges défilent, les bœufs sont pesés, les commerces changent de propriétaires… Et voilà que s’écoulent, en une vingtaine de bobines assemblées en un joyeux désordre, près de 15 années de la vie de ce quartier.
Une soif de culture et d’engagement
Irène passe son permis de conduire vers 20 ans, en toute simplicité ! Elle rejoint l’inspecteur à la gare de Juigné avec sa voiture, l’emmène faire un tour et rentre à Poillé, comme elle était venue. Avec cette fois le permis en poche.
Elle prend plaisir à cuisiner et accueillir les clients de son mari, mais ne rate pas une occasion de le suivre lors de ses voyages d’affaire à Paris et notamment au marché de la Villette. Elle en profite pour visiter la ville à pied et découvrir les différents salons des arts ménagers, églises, expositions, musées, spectacles…
Femme curieuse et dynamique, elle cultive et partage ses connaissances en histoire et géographie, joue aux cartes aussi souvent que possible et s’intéresse au cinéma. La famille Heurtebise se rend d’ailleurs au cinéma de Sablé-sur-Sarthe deux fois par semaine.
Sensible au sort des refugiés de guerre, dont certains étaient logés chez des particuliers à Poillé, elle contribue, à sa manière, en fournissant vivres et vêtements. Son engagement et sa générosité au sein du village lui valent l’affection des habitants. Et si à cette époque les femmes ne se font pas facilement une place dans la vie politique locale, elle est toutefois élue en 1959 et devient première adjointe au maire. Elle effectuera deux mandats avant de quitter ses fonctions pour des raisons de santé.
Elle meurt le 16 octobre 1984 à Sablé-sur-Sarthe à l’âge de 75 ans.
Sa fille Danièle a pris la relève et a été adjointe puis maire de Poillé-sur-Vègre pendant 19 ans. Nous la remercions chaleureusement de nous avoir confié ses films et partagé cet héritage.
Boules de neige
1947, 9,5 mm, N&B, muet, Irène Heurtebise
Les adultes initient les enfants à la bataille de boules de neige, une belle occasion de réveiller l’enfant qui sommeille en eux. C’est le grand-père de Danièle, Émile Tribondeau qui lance la première boule, s’ensuit une joyeuse bataille entre enfants et adultes, même le boulanger M.Breux est de la partie.
Mardi Gras
1949, 9,5 mm, N&B, muet, Irène Heurtebise
Rue de la Madeleine, comme chaque année pour fêter la fin de l’hiver, les enfants costumés s’amusent dans la rue. Les vieux vêtements et les masques révèlent des personnages aux allures intrigantes.
Luge
1950, 9,5 mm, N&B, muet, Irène Heurtebise
Il a neigé et comme peu de voitures passent sur cette route départementale, la neige la recouvre encore. Les enfants en profitent sans crainte…
Le baptême de la poupée
1952, 9,5 mm, N&B, muet, Irène Heurtebise
Rue de la Madeleine, on s’entraîne au vélo, on papote, on travaille et on célèbre aussi une occasion, tout y est : le parrain, la marraine et les dragées. Danièle, fille d’Irène Heurtebise fête le baptême de sa poupée !
La Fête Dieu
1952, 9,5 mm, N&B, couleur, Irène Heurtebise
Devant la maison de ses parents, Irène filme la célébration de la Fête Dieu depuis le reposoir fleuri par les habitants. Derrière les enfants, on aperçoit le « parquet » (salle démontable), où un bal avait lieu le soir lors des grandes occasions, appelées à cette époque « des assemblées ».
La pompe à essence
1952, 9,5 mm, N&B, muet, Irène Heurtebise
« Au début de l’histoire de l’automobile, pas de pompes. On achète des bidons de 5 litres chez l’épicier du coin. » A partir des années 20 les premières pompes à essence sont installées en France. On trouve donc en toute logique la pompe de Poillé plantée devant l’épicerie.Quant au fait de filmer les automobilistes en train de faire le plein, il fallait y penser!
https://www.musee-pompe.fr/histoire-culture/
Jeux et goûter
1952, 9,5 mm, N&B, muet, Irène Heurtebise
Danièle et ses amis sont dans la cour de la maison familiale et jouent à l’épicerie avec des échantillons de tapisserie et quantité de boîtes garnies de papier journal. Puis, la petite troupe partage un goûter au soleil, sous le regard bienveillant des mamans.
La pesée des bœufs
1952, 9,5 mm, couleur, muet, Irène Heurtebise
Irène filme la pesée des bœufs sur la place de la Madeleine. La « bascule » faisait partie du commerce des bistrotiers de Poillé, juste en face. Immobiliser les animaux sur la balance ne s’avère pas si aisé.
Batterie à Longlebrun
1953, 9,5 mm, N&B, muet, Irène Heurtebise
Après une pause belote, les travaux de battage et de bottelage reprennent dans cette ferme exploitée par la famille Heurtebise à Asnière-sur-Vègre, propriété du Comte de Gastines.
Défilé
1955, 9,5 mm, N&B, muet, Irène Heurtebise
Rue de la Madeleine, défilé de différents chars, tirés par des tracteurs, puis une ribambelle de Citroën 2CV. Les couleurs des décorations font penser qu’il s’agit peut-être du 14 juillet.
Les œufs boulés
1956, 9,5 mm, N&B, muet, Irène Heurtebise
Une tradition partagée le lundi de Pâques, celle des œufs boulés. Ici on ne cherche pas les œufs en chocolat mais on « boule » dans l’herbe des œufs durs décorés, jusqu’à ce qu’ils s’écaillent pour finalement être dégustés sur place ou en salade.
Article rédigé en collaboration avec Elsa BLONDONT, dans le cadre de sa formation au CNAM.